La longue séquence électorale qui sera clôturée par le second tour des élections législatives s’est ouverte pour le premier tour de l’élection présidentielle par un résultat hélas quelque peu attendu. Encore une fois, le second tour opposera la droite à l’extrême droite, et trois questions se posent à nous à court ou moyen terme et donc avec plus ou moins d’urgence : que faire pour le second tour, comment préparer les élections législatives et quelle sera ou pas la composition ou recomposition de la gauche dans les années à venir et notamment avec les élections européennes de 2024 ?

Quelles que soient les questions posées et leurs complexités, l’urgence ne doit pas être un prétexte pour ne pas réfléchir. Cependant les remarques, réflexions, analyses que l’on peut entendre ou lire m’inquiètent sur nos capacités et volonté de construire une réflexion et une action collective. En schématisant, trois grands types de commentaires fleurissent, l’abstention est la cause de tous les maux, Jean-Luc Mélenchon en partant seul trop tôt a créé les conditions de la division, la multiplicité des candidatures est la cause de l’échec. Les réponses simplistes aux questions complexes sont rarement satisfaisantes et ont plus tendance à flatter l’ego en discréditant les autres qu’à apporter de réelles analyses de fonds.

Sans me lancer à mon tour dans une énième analyse des résultats de premier tour, j’ai effectué une comparaison entre les chiffres du premier tour du 10 avril 2022 et ceux du 26 avril 1981 qui allait mener à la première victoire d’un candidat se réclamant de la gauche à l’élection présidentielle sous la Cinquième République.

En 2022, le taux de participation est de 73,69 % contre 81,09 % en 1981, le taux de suffrages exprimés de 72,07 % contre 79,78 %. Mais surtout si les candidat·e·s se réclamant de la gauche recueillaient en 1981 46,27 % des suffrages exprimés soit 36,90 % des inscrit·e·s, en 2022 ils se contentent 31,94 % des suffrages exprimés soit 23,02 % des inscrit·e·s, pour mémoire il y avait cinq candidat·e·s se réclamant de la gauche en 1981.

Un calcul rapide permet de constater que si les candidat·e·s se réclamant de la gauche avaient recueilli le même pourcentage de voix qu’en 1981, le total serait passé de 11 225 271 à 16 256 015 si l’on considère le pourcentage par rapport aux suffrages exprimés et à 17 987 966 si l’on considère le pourcentage par rapport aux inscrit·e·s.

L’on pourrait en déduire que la multiplicité des candidatures n’est pas un obstacle à la réalisation de bons résultats et que l’on devrait plus s’interroger sur les raisons de la montée continue de l’extrême droite conjuguée avec un effondrement de la gauche.

Les analyses des résultats électoraux devront se poursuivre, mais une question à laquelle nous devons répondre rapidement est celle de savoir dans quelles conditions nous souhaitons aller aux élections législatives. Je ne pense pas que les injures et invectives soient de nature à élever le niveau du débat, ni de nature à permettre les meilleurs résultats possibles.

 

Pour préparer dans les moins mauvaises conditions possible les élections législatives, il me semblerait nécessaire qu’il y ait un réel dialogue entre les formations politiques se réclamant de la gauche sur deux points.

– des candidatures uniques ou non dans les circonscriptions qui semblent jouables pour assurer une présence d’un·e candidat·e de gauche au second tour ;

– engagement de soutien réel pour la candidate ou le candidat de gauche présent·e au second tour.

Enfin vu l’enjeu de ces décisions, l’on ne peut se contenter de discussions entre appareils politiques dont l’on sait déjà que chacun rejettera la faute de l’absence d’accord sur les autres. Ces discussions devraient donc se dérouler au grand jour pour permettre à chacun d’apprécier les positions et les réels efforts de l’ensemble des formations politiques, les outils actuellement disponibles de communication permettraient cela sans difficulté.

Dans ce processus Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise ont une lourde responsabilité en raison des résultats électoraux. Il ne leur faudra cependant pas oublier qu’une part significative des votes sont des votes utiles ou efficaces selon le nom que l’on veut bien leur donner, et non des votes d’adhésion à un projet et d’autre part que leur rôle doit être un rôle d’animateur, de fédérateur et non pas simplement celui d’un chef de file derrière lequel il convient de se ranger.