« La loi a fait de moi un criminel, non à cause de ce que j’ai fait, mais en raison de ce qui me poussait à me lever, de ce que je pensais, de ma conscience. »
Nelson Mandela

Auteur/autrice : Jean-Michel Arberet Page 1 sur 11

On ne change pas une équipe qui gaze !

Le 28 mai, ce qui devait être un match de foot a viré au chaos, les modalités d’intervention des forces de l’ordre étant totalement inadaptées à la situation, face à une foule pacifique dans sa grande majorité » les autorités ne cherchent pas la désescalade, elles envoient sur le terrain les policiers qui font un usage indiscriminé des moyens mis à leur disposition[1]. » Ces incidents sont de nature à remettre en cause la capacité de la France à accueillir de grands évènements sportifs, coupe du monde de rugby en 2023, jeux olympique et paralympique en 2024, et ce d’autant plus que la défense de l’exécutif consiste à renvoyer la responsabilité sur les autres, notamment les supporters de Liverpool.

 

Hier, samedi 4 juin, Gare de l’Est le trafic est perturbé et des bus de remplacement sont mis en place mais en nombre insuffisant, ce qui génère une bousculade. La police intervient et pour rétablir le calme fait usage de gaz lacrymogènes[2].

L’on ne peut que constater que quel que soit l’attroupement la police ne semble plus connaître qu’un seul mode d’action, les gaz lacrymogènes. Monsieur Darmanin sera-t-il cette fois encore very sorry ? Cela donnera-t-il lieu à l’ouverture d’une enquête ? Une réflexion sera-t-elle engagée sur les modalités d’intervention des forces de l’ordre ? L’on peut hélas en douter.

 

Mais pendant ce temps, lorsqu’un ancien ministre, Monsieur Blanquer, faisant campagne est aspergé de crème chantilly il dépose plainte. Les deux personnes qui l’ont aspergé sont placées en garde à vue et comparaîtront le 4 juillet pour répondre de « violences en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail, délit pour lequel la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement ». Le procureur de la République, Monsieur Loïc Abrial ayant au préalable précisé que Monsieur Banquer n’avait « pas été blessé »[3]. Voilà qui est rassurant, même si pour ma part, j’ignorais que l’on pouvait être blessé par jet de crème chantilly autrement que dans son amour-propre.

 

N’y a-t-il pas là une certaine disproportion entre des jets de gaz lacrymogènes injustifiés et une aspersion de chantilly, à moins que la protection de l’amour-propre d’un ancien ministre soit plus importante que la protection de centaines de personnes ?

 

 

[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/30/incidents-au-stade-de-france-le-probleme-c-est-que-la-police-percoit-toute-foule-rassemblee-comme-un-groupe-homogene_6128240_3224.html

[2] https://www.liberation.fr/societe/police-justice/panne-de-train-a-gare-de-lest-la-police-parisienne-revient-aux-fondamentaux-des-lacrymo-20220605_ZKTFPGPSLNFGXLQHDORKV3GBNE/

[3] https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/06/04/legislatives-jean-michel-blanquer-asperge-de-creme-chantilly-par-deux-enseignants-a-montargis_6128970_823448.html

Élections, deux jours avant le second tour de l’élection présidentielle

Parmi les nombreuses questions concernant le processus électoral qui se posent à nous, la plus urgente est sans aucun doute celle du vote pour le second tour de l’élection présidentielle ce dimanche 24 avril. Cependant nous allons devoir effectuer ce choix entre une candidate d’extrême droite et un candidat d’une droite qui s’extrémise de plus en plus dans un contexte fortement marqué à la fois par les élections législatives, avec notamment la campagne de Jean-Luc Mélenchon et l’Union populaire, et les commentaires sur le résultat du premier tour de l’élection présidentielle.

Concernant ce dernier point, il est indispensable d’analyser ces résultats mais la grande majorité des commentaires, analyses, avis que l’on peut entendre ou lire se résument hélas trop souvent à des invectives dont il ressort que l’autre est seul responsable. Si la gauche est riche de sa diversité, si des analyses sans complaisance doivent être faites en pointant aussi les erreurs, faiblesses, défaillances, les insultes, fussent-elles réciproques, n’ont guère leur place dans ce cadre.

De la même façon, il serait souhaitable de préparer les élections législatives dans un contexte le plus serein possible. Et, comme je l’écrivais il y a quelques, jours, si Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise ont une lourde responsabilité en raison des résultats électoraux. Il ne leur faudra cependant pas oublier qu’une part significative des votes sont des votes utiles ou efficaces selon le nom que l’on veut bien leur donner, et non des votes d’adhésion à un projet et que leur rôle devrait donc être un rôle d’animateur, de fédérateur et non pas simplement celui d’un chef de file derrière lequel il convient de se ranger.

 

Quant au vote de dimanche, nous nous retrouvons dans une situation hélas trop connue. En 2002, j’avais appelé à votre Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen et contre sa fille cinq ans plus tard pour Emmanuel Macron[1].

Le quinquennat d’Emmanuel Macron a été désastreux pour toutes celles et tous ceux qui croient en une société plus juste, plus solidaire et plus fraternelle, faut-il citer les services publics se dégradant faute de moyens suffisants, les droits sociaux en retraits, les libertés publiques bafouées… Et, lorsque le candidat Emmanuel Macron écrit dans sa profession de foi du second tour, s’adressant à celles et ceux qui n’ont pas voté pour lui  » A tous, je veux vous dire que je vous ai compris et que je vous tends la main » négligeant allègrement de s’adresser aussi à « toutes », je n’ai aucune confiance en lui !

Face à lui, Marine Le Pen a, comme l’ont répété en boucle les média mainstream, a dédiabolisé l’image du Front national, aidée par cela par Eric Zemmour et ses propos. Mais lorsque Marine Le Pen mets un coup de vernis démocratique sur son programme qui sur le fond n’a guère changé elle n’est pas plus crédible que lorsque le groupe Total tente de verdir son image.

 

Parmi mes ami·e·s certain·e·s ne voteront pas dimanche, d’autres voteront blanc, et d’autres enfin voteront pour Emmanuel Macron. Quels que soient leur choix et le résultat, je ne leur reprocherai pas. Mais nous devons tous assumer nos choix et être lucide concernant les enjeux, ne pas voter pour Emmanuel Macron, c’est accepter la possibilité d’avoir une présidente d’extrême droite, l’on ne peut aujourd’hui s’abstenir et déléguer aux autres le soin de faire le sale boulot en votant à droite.

Enfin j’ose espérer que parmi mes ami·e·s personne n’envisage de voter pour l’extrême droite mais si c’était le cas, il est encore temps de se parler encore une fois. Et pour ma part, comme il y a cinq ans je voterai dimanche pour Emmanuel Macron sans aucune illusion et les larmes aux dents.

 

 

[1] Faire barrage au Front national  http://arberet.fr/2017/05/

Élections, préparer les législatives ?

La longue séquence électorale qui sera clôturée par le second tour des élections législatives s’est ouverte pour le premier tour de l’élection présidentielle par un résultat hélas quelque peu attendu. Encore une fois, le second tour opposera la droite à l’extrême droite, et trois questions se posent à nous à court ou moyen terme et donc avec plus ou moins d’urgence : que faire pour le second tour, comment préparer les élections législatives et quelle sera ou pas la composition ou recomposition de la gauche dans les années à venir et notamment avec les élections européennes de 2024 ?

Quelles que soient les questions posées et leurs complexités, l’urgence ne doit pas être un prétexte pour ne pas réfléchir. Cependant les remarques, réflexions, analyses que l’on peut entendre ou lire m’inquiètent sur nos capacités et volonté de construire une réflexion et une action collective. En schématisant, trois grands types de commentaires fleurissent, l’abstention est la cause de tous les maux, Jean-Luc Mélenchon en partant seul trop tôt a créé les conditions de la division, la multiplicité des candidatures est la cause de l’échec. Les réponses simplistes aux questions complexes sont rarement satisfaisantes et ont plus tendance à flatter l’ego en discréditant les autres qu’à apporter de réelles analyses de fonds.

Sans me lancer à mon tour dans une énième analyse des résultats de premier tour, j’ai effectué une comparaison entre les chiffres du premier tour du 10 avril 2022 et ceux du 26 avril 1981 qui allait mener à la première victoire d’un candidat se réclamant de la gauche à l’élection présidentielle sous la Cinquième République.

En 2022, le taux de participation est de 73,69 % contre 81,09 % en 1981, le taux de suffrages exprimés de 72,07 % contre 79,78 %. Mais surtout si les candidat·e·s se réclamant de la gauche recueillaient en 1981 46,27 % des suffrages exprimés soit 36,90 % des inscrit·e·s, en 2022 ils se contentent 31,94 % des suffrages exprimés soit 23,02 % des inscrit·e·s, pour mémoire il y avait cinq candidat·e·s se réclamant de la gauche en 1981.

Un calcul rapide permet de constater que si les candidat·e·s se réclamant de la gauche avaient recueilli le même pourcentage de voix qu’en 1981, le total serait passé de 11 225 271 à 16 256 015 si l’on considère le pourcentage par rapport aux suffrages exprimés et à 17 987 966 si l’on considère le pourcentage par rapport aux inscrit·e·s.

L’on pourrait en déduire que la multiplicité des candidatures n’est pas un obstacle à la réalisation de bons résultats et que l’on devrait plus s’interroger sur les raisons de la montée continue de l’extrême droite conjuguée avec un effondrement de la gauche.

Les analyses des résultats électoraux devront se poursuivre, mais une question à laquelle nous devons répondre rapidement est celle de savoir dans quelles conditions nous souhaitons aller aux élections législatives. Je ne pense pas que les injures et invectives soient de nature à élever le niveau du débat, ni de nature à permettre les meilleurs résultats possibles.

 

Pour préparer dans les moins mauvaises conditions possible les élections législatives, il me semblerait nécessaire qu’il y ait un réel dialogue entre les formations politiques se réclamant de la gauche sur deux points.

– des candidatures uniques ou non dans les circonscriptions qui semblent jouables pour assurer une présence d’un·e candidat·e de gauche au second tour ;

– engagement de soutien réel pour la candidate ou le candidat de gauche présent·e au second tour.

Enfin vu l’enjeu de ces décisions, l’on ne peut se contenter de discussions entre appareils politiques dont l’on sait déjà que chacun rejettera la faute de l’absence d’accord sur les autres. Ces discussions devraient donc se dérouler au grand jour pour permettre à chacun d’apprécier les positions et les réels efforts de l’ensemble des formations politiques, les outils actuellement disponibles de communication permettraient cela sans difficulté.

Dans ce processus Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise ont une lourde responsabilité en raison des résultats électoraux. Il ne leur faudra cependant pas oublier qu’une part significative des votes sont des votes utiles ou efficaces selon le nom que l’on veut bien leur donner, et non des votes d’adhésion à un projet et d’autre part que leur rôle doit être un rôle d’animateur, de fédérateur et non pas simplement celui d’un chef de file derrière lequel il convient de se ranger.

Élections, premier tour présidentielle réflexions à chaud

À 20 heures les premières estimations sont tombées, elles seront affinées mais dessinent déjà des tendances très nettes.

 

Le premier point à noter est le taux d’abstention estimé à 26,2 %, certes inférieure à celle de 2002 mais excessivement élevée.

Les dernières estimations étaient donc correctes. Les candidat·e·s d’extrême droite font jeu égal avec les candidat·e·s de gauche aux alentours de 30 %. Les grands partis traditionnels, LR, PS, EELV et PCF réalisent de petits scores en dessous ou aux alentours de 5 %, derrière Éric Zemmour.

 

Les appels au vote utile à gauche n’auront pas suffi et l’on pourra débattre longtemps pour savoir ce qui serait advenu avec moins de candidat·e·s de gauche. Ce qui est certain c’est que le résultat total des candidat·e·s se réclamant de la gauche est un échec collectif.

J’écrivais il y a quelques heures, juste avant ce premier tour  » Les partis et organisations se réclamant de la gauche portent une part importante de responsabilité en étant incapables de mener une réflexion collective sur les enjeux actuels, démocratie, problèmes sociaux, environnementaux, sociétaux et autres… » Cela me semble encore plus d’actualité et l’urgence est de préparer les élections législatives avec l’objectif d’avoir le maximum de député·s de gauche au parlement. Il serait donc souhaitable que l’on n’assiste pas à des luttes à gauche dans toutes les circonscriptions au risque de disqualifier les candidat·e·s se réclamant de la gauche pour le second tour et qu’au second tour il y ait cette fois-ci un réel soutien de l’ensemble des forces de gauche au candidat ou à la candidate encore en lice. Cela supposerait un minimum de réflexion collective aux partis et organisations se réclamant de la gauche, en intégrant la nécessité que chaque parti ou formation puisse trouver sa place. Dans cette réflexion le score du premier tour de la présidentielle ne devant pas être pris comme référence, de nombreux votes s’étant portés sur Jean-Luc Mélenchon non par adhésion à son programme mais par volonté de tout faire pour éviter d’avoir l’extrême droite au second tour.

 

 

Encore une fois l’extrême droite est présente au second tour de l’élection présidentielle. Depuis la réforme constitutionnelle et l’inversion du calendrier, cela devient une sinistre habitude avec seulement deux seconds tours droite face à la gauche en 2007 et 2012 et trois seconds tours droite face l’extrême droite en 2002, 2017 et 2022.

 

Après chacun de ces résultats nous avons entendu, voire entonné la même antienne « plus jamais cela » dont certains se souviennent que nous l’avions déjà entonnée le 11 septembre 1983 lorsque le RPR, ancêtre de l’UMP, allié au Front national avait gagné l’élection municipale à Dreux, première irruption électorale de l’extrême droite sous la Cinquième République.

Depuis qu’avons-nous fait ?

 

Au-delà de ces premières réflexions, certains éléments mériteront d’être affinés. Et, à très court terme nous allons être encore une fois confrontés à un choix insupportable pour le second tour. Vu l’urgence de la question, il est fondamental de prendre le temps de réfléchir.

Élections ?

Un nouveau cycle électoral va s’ouvrir le dimanche 10 avril avec le premier tour de l’élection présidentielle et devrait se clôturer le dimanche 19 juin avec le deuxième tour des élections législatives.

 

Pour ce premier dimanche électoral nous sommes confrontés à trois injonctions contradictoires. Nous sommes invités à voter pour un·e candidat·e dont nous partageons les options tout en permettant à un·e candidat·e se réclamant de la gauche d’être présent·e au second tour sans que ce vote de premier tour n’ait une trop grande influence sur les législatives à venir.

 

Même si la Cinquième République a débuté le 4 octobre 1958, et si cette élection présidentielle est la douzième, le premier cycle électoral de ce type fut celui de 2002, et cette année c’est donc le cinquième. La durée du mandat présidentiel était précédemment de 7 ans depuis le début de la Troisième République, et les mandats législatifs de 5 ans. En 2000 une réforme constitutionnelle adoptée par référendum réduit le mandat présidentiel à 5 ans, et la loi organique du 15 mai 2001 modifie le calendrier électoral pour que les élections législatives aient lieu après l’élection présidentielle.

En 2002, première année d’application de cette réforme, l’élection présidentielle vit pour la première fois un second tour droite/ extrême droite et l’inversion du calendrier a fonctionné à merveille les élections législatives ont offert au président nouvellement élu une majorité à l’Assemblée nationale. Et ce sera le cas lors des trois élections suivantes.

 

Au premier tour de l’élection présidentielle, douze candidat·e·s sont présent·e·s. Avec toutes les précautions que l’on peut avoir vis-à-vis des sondages, si l’on examine les données des derniers sondages publiés, la droite avec quatre candidat·e·s totaliserait 40 % des voix, l’extrême droite avec deux candidat·e·s 32 % et la gauche avec six candidat·e·s 28 %. Emmanuel Macron obtiendrait 26 % des suffrages, Marine Le Pen 23% et Jean-Luc Mélenchon 17%, le quatrième étant largement distancé à moins de 9% des voix.

 

Je ne sais, dans de telles conditions, qu’elle est la meilleure réponse à apporter aux trois injonctions contradictoires.

Pour tenter d’éviter un second tour avec Emmanuel Macron et Marine Le Pen la seule option possible est de voter pour Jean-Luc Mélenchon. Mais, même si les intentions de vote en sa faveur ont progressé ces derniers jours, il en est de même pour Marine Le Pen qui conserve une avance significative. La raison commanderait de voter pour Jean-Luc Mélenchon pour se donner toutes les chances d’éviter d’avoir pour la troisième fois un duel entre la droite et l’extrême droite au second tour, avec toutefois une grande incertitude sur le résultat. De plus cela consisterait aussi à renoncer à choisir un·e candidat·e en fonction du projet qu’il porte.

 

Pour ma part c’est la première fois que je n’ai aucune certitude sur mon vote à venir. Mais j’ai deux certitudes.

Le fonctionnement présidentiel de la Cinquième République, renforcé par les modifications de 2000 et 2001, conduit à une hyperpersonnalisation nuisible à la démocratie, faut-il encore rappeler qu’ » il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun » Et l’absence de proportionnelle ne fait que renforcer cela.

Les partis et organisations se réclamant de la gauche portent une part importante de responsabilité en étant incapables de mener une réflexion collective sur les enjeux actuels, démocratie, problèmes sociaux, environnementaux, sociétaux et autres…

 

Enfin, si je me décide finalement à voter pour Jean-Luc Mélenchon, il ne faudrait surtout pas que mes amis de la France insoumise en tirent quelques conclusions que ce soit concernant leur audience, ce ne serait pas là un vote d’adhésion mais un vote par défaut contre la droite et l’extrême droite.

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