« La loi a fait de moi un criminel, non à cause de ce que j’ai fait, mais en raison de ce qui me poussait à me lever, de ce que je pensais, de ma conscience. »
Nelson Mandela

Auteur/autrice : Jean-Michel Arberet Page 5 sur 11

Faire barrage au Front National ?

Les perspectives offertes par les seconds tours d’élection sont rarement réjouissantes, mais cette fois-ci c’est pire encore : nous sommes à nouveau soumis à cette injonction « faire barrage au Front National. » Et pourtant la seule option possible est insupportable, avec un candidat porteur d’une régression sociale assumée, dont le programme, avalisé par le président du MEDEF, prévoit la révision du Code du travail par ordonnance. Ce candidat n’est pas un candidat antisystème, comme il voudrait nous le laisser croire. Sorti de l’ombre par Messieurs Hollande et Valls qui devront en rendre compte, puis mis en orbite par les grands groupes de presse, c’est un candidat construit sur mesure pour créer une pseudo-gauche ultralibérale répondant aux desiderata des grands groupes financiers. Son programme est bien une véritable déclaration de guerre, guerre sociale déclarée à ceux qui ne possèdent rien que leur force de travail.

Malgré cela, et en toute connaissance de cause je voterai pour ce candidat. Je voterai pour ce candidat que je combattrai dès le lendemain du scrutin. Je voterai pour ce candidat parce que l’élection l’arrivée au pouvoir de la candidate du Front National représente un risque majeur de recul des libertés démocratiques, libertés syndicales, liberté de manifester… déjà mises à mal par l’état d’urgence. Je voterai pour ce candidat, contre le Front National, pour pouvoir continuer à lutter pour nos libertés et nos droits. Je voterai pour ce candidat en étant pleinement conscient que le vote n’est qu’un élément du combat nécessaire, combat contre le Front National, combat contre les idées du Front National qui ont déjà largement imprégné la société française. Je voterai dimanche pour ce candidat sans aucune illusion et les larmes aux dents.

Se macroniser

Il importe de rendre à César ce qui appartient à César. J’ai découvert le verbe transitif macroniser grâce à Bernard Pivot qui a publié le tweet suivant “Se macroniser. Déf.: se rallier au futur gagnant. Ex.: début 44, pétainistes et indécis se macronisaient pour de Gaulle”.

Le mot est superbe pour décrire une situation sinistre où les ralliements se multiplient, y compris au mépris même des engagements pris, tel le ralliement de Monsieur Valls mais que pouvait-on attendre d’un tel individu après la brillante prestation fournie comme ministre de l’intérieur puis comme Premier ministre ? N’a-t-il pas déclaré par la suite « Même si François Fillon sortait vainqueur de ce combat, il faudrait aussi chercher à trouver des compromis avec la droite parlementaire. »

Si l’on ne peut que s’interroger, à juste titre, sur la sincérité de ces ralliements opportunistes, je ne sais pour qui mon estime est la plus faible, pour celles et ceux qui se rallient à l’odeur de la gamelle ou pour celles et ceux, soutiens des premiers jours d’Emmanuel Macron, qui ont soutenu un candidat sans programme, vendu uniquement sur un image médiatiquement construite ?

La palme de la macronisation reviendra, in fine, à Monsieur Gattaz qui, prudent ou opportuniste, a adoubé deux candidats, Messieurs Fillon et Macron. Voilà donc deux candidats pour lesquels il n’est absolument pas possible de voter !

A propos de la réserve parlementaire

Les deux délibérations que l’on nous demande d’approuver visent d’une part à autoriser des travaux de reprise des boiseries extérieurs de la médiathèque Louis Pergaud pour l’une et de réhabilitation de la cour de l’école maternelle Jules Ferry/Signac pour l’autre et d’autre part à solliciter une subvention sur la réserve parlementaire du Sénateur-Maire Luc Cavournas pour la première et de la sénatrice Esther Benbassa pour la seconde.

Je ne conteste nullement la nécessité, voire l’urgence de réaliser ces travaux et je ne peux que me réjouir, vu l’état de nos finances après la ponction indue réaliser par l’État, que l’on puisse obtenir un financement.

Mais, se réjouir de ce financement ne doit pas nous en faire oublier l’origine.

La réserve parlementaire est un dispositif atypique, d’un montant pour 2015 de 81,25 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et de 52,18 millions d’euros pour le Sénat. Chaque parlementaire dispose d’une enveloppe qu’il affecte librement, 130 000 euros pour les député-es et 153 000 euros pour les sénateurs-trices.

Ce système est resté longtemps excessivement opaque et il faut noter que Claude Bartolone a souhaité mettre fin à l’opacité totale de ce dispositif : l’Assemblée nationale a alors mis en ligne en 2014 un tableau détaillant l’utilisation de ces fonds pour 2013. La loi relative à la transparence de la vie publique a étendu cette disposition au Sénat qui publie aussi ces informations.

Si ce dispositif est formellement conforme à la constitution du 4 octobre 1958, il semble fort éloigné de ses principes fondamentaux. En effet, selon l’article 24 « Le Parlement vote la loi. » C’est certes bien ainsi qu’est votée l’affectation des réserves parlementaires, mais ces textes ne sont que la compilation des propositions individuelles des parlementaires et non comme les autres projets et propositions de loi, le résultat d’un travail collectif.

Ce dispositif ne serait-il pas le reliquat d’un clientélisme parlementaire ?

 

De plus les montants attribués sont faibles : la moitié des attributions est inférieure à 3 000 euros pour l’Assemblée nationale et à 5 000 euros pour le Sénat. Certes, ces montants peuvent aider les collectivités locales à financer certaines opérations, mais attribuer une partie, de ces 133, 43 millions d’euros aux collectivités locales auxquelles on a retiré quelques milliards de recettes, le compte n’y est pas et c’est se donner ainsi bonne conscience à bon compte.

Sortir d’une manifestation avec ou sans tee-shirt ?

J’ai manifesté, comme des dizaines de milliers de personnes, au milieu d’une impressionnante présence policière, le 28 juin entre Bastille et place d’Italie. Les contrôles à l’entrée étaient prévus et annoncés. Mais, en plein débat que la question des contrôles au faciès par l’Assemblée nationale ; les contrôles à l’entrée étaient ciblés : j’ai donc pu rentrer sans aucune difficulté, sans palpation, mon keffieh porté ostensiblement.

A la fin de la manifestation, j’ai voulu quitter la place d’Italie par l’avenue des Gobelins. L’avenue était totalement barrée, avec une espèce de check-point pour permettre la sortie à droite. Visiblement les forces de l’ordre refusaient que des manifestant-es sortent avec des autocollants. Je me suis donc présenté dans la même tenue qu’à l’entrée. La réponse du fonctionnaire de police fut  » Non, pas vous. » J’ai donc demandé quelques explications. Il m’a répondu que je devais ôter mes badges et ça, désignant mon keffieh qu’il a alors soulevé. Constant que mon tee-shirt portait des inscriptions, m’a également demandé d’ôter le tee-shirt. S’en est suivi un échange passionnant à base de « Je ne vais pas quitter mon tee-shirt, je n’ai rien dessous ! » et  » Quitter votre tee-shirt ! » Il s’est finalement lassé avant moi et m’a laissé partir. J’ai pu alors trois mètres plus loin remettre mon keffieh et mes badges, le premier représentant un goéland enmazouté avec la phrase « Est-ce que moi, je viens chier dans vos baignoires ? » et le second étant le badge du Conseil Permanent des écrivains et la SGDL « Pas d’auteurs pas de lecteurs. »

 

Je m’interroge sur la légalité de telles pratiques et sur les bases juridiques qui les autorisent, sauf à nous resservir encore une fois l’état d’urgence. Mais l’état d’urgence ne doit pas nous faire oublier l’état de droit. Je pense avoir le droit de choisir le tee-shirt que je porte. Mais peut-être dois-je préciser que le texte figurant sur le tee-shirt était l’article 35 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen  « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.  » Ce lecteur occasionnel se serait-il donc senti concerné par ce texte ?

Casseurs ou manifestants ?

Depuis le 9 mars, après chaque manifestation contre la loi Travail, les commentaires, déclarations et articles condamnant les casseurs se sont succédé. Jusqu’ici, rien d’étonnant, c’en est même devenu une tradition, mais alors que les Bonnets rouges, par exemple, qui se « contentaient », en 2013, de démonter les portiques de détection pour l’écotaxe, n’ont jamais été évoqués, dans les mouvements sociaux, les casseurs sont systématiquement pointés du doigt.

Les casseurs, définis par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales comme partisans de la violence comme moyen d’action contre un régime politique, ont fait leur grande apparition dans le champ politique français avec la loi no 70-480 du 8 juin 1970 dite loi anti-casseurs. Cette loi de circonstances, votée après mai 1968, permettait notamment de condamner une personne, en raison d’agissements commis par des tiers -y compris par des provocateurs, bien que n’ayant elle-même commis aucune violence. Abrogée en 1982, un sénateur UMP en a demandé le rétablissement en 1998.

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