A la suite du tremblement de terre de Lisbonne en 1755, le roi du Portugal Joseph 1er s’interrogeant sur la conduite à tenir, son secrétaire lui fit la réponse suivante  » Sire, nous devons enterrer les morts et nourrir les vivants »

Aujourd’hui, la situation est tragiquement la même et l’urgence est à la mobilisation. De nombreux pays ont déjà annoncé le déblocage d’aide d’urgence, les ONG se sont mobilisées et collectent des fonds.

Mais cela ne doit pas nous faire oublier une triste réalité « Une catastrophe de cette ampleur sans précédent devrait être suivie d’une générosité également sans précédent » a affirmé Jan Egeland, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations Unies, qui s’est déclaré pessimiste quant aux contributions pour l’année à venir.  Il a souligné que, « dans une économie en croissance », aucun pays n’avait atteint un taux d’aide publique au développement correspondant à 1% de son PNB, seuls les pays nordiques et les Pays-Bas ayant dépassé le taux de 0, 7%.

Si nous devons saluer le travail accompli sur le terrain par les nombreuses associations présentes et relayer leurs demandes urgentes de don, il importe de rappeler que la solidarité est de la responsabilité des Etats, de tous les Etats et en premier lieu des plus riches , et ce d’autant plus que cette catastrophe a frappé des populations pauvres.

Nous devons aussi exiger que toutes les populations puissent bénéficier de cette aide internationale, et que tous les Etats prennent les mesures nécessaires, notamment l’Indonésie dans la région d’Aceh sous loi martiale ou en état d’urgence depuis mai 2003, en raison des luttes entre le Gouvernement et des mouvements séparatistes.

De même nous devons rappeler notre condamnation des mines antipersonnelles qui, déplacées par les eaux, vont maintenant menacer la vie des secouristes et des survivants au Sri Lanka.

Au-delà du traitement de l’urgence, cette catastrophe doit nous amener à nous interroger. Après le tremblement de terre de Lisbonne Rousseau écrivait  » Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul ».

La même question se pose aujourd’hui. Les Nations Unies ont déploré l’absence d’un système d’alerte aux raz-de-marée dans l’océan indien;  le coût en aurait-il été trop élevé pour des vies humaines en Inde, au Sri Lanka, en Indonésie, en Thaïlande, aux Maldives, au Bangladesh, au Myanmar ?

Le Bangladesh est victime très régulièrement d’inondations meurtrières.

Lors du tremblement de terre à Alger en 2003 de nombreux morts auraient déjà pu être évités si les bâtiments avaient été construits en respectant les normes anti-sismiques.

Les catastrophes naturelles tuent, mais elle sont beaucoup plus meurtrières quand elles frappent les populations les plus démunies, quand ces populations vivent dans des régions à risques sans que ces risques soient intégrés dans les contraintes d’urbanisme et d’architecture.

Accepterons nous encore longtemps de laisser la « main invisible du marché » décider des conditions de vie et de morts de milliers, de millions d’êtres humaines ?

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits., toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » proclament les articles 1 et 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme, mais à la suite de la catastrophe de Bhopal les indemnités versées aux victimes indiennes se situaient entre 370 et 533 dollars.

Nos valeurs sont autres, le monde n’est pas à vendre il appartient à l’ensemble de l’humanité, il est urgent de réagir, l’être humain doit être au centre de nos préoccupations et non pas le profit financier.

Mobilisons nous tous pour aider les victimes de cette catastrophe, mais n’oublions pas que le plus bel hommage que nous puissions leur rendre est de poursuivre le combat pour permettre à chaque être humain de vivre dans des conditions décentes.

La lutte sera longue.