« Il vient une heure où protester ne suffit plus, après la philosophie, il faut l’action. »
Victor Hugo, Les Misérables

Catégorie : Culture

Libre arbitre ?

Madame Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a prononcé un discours le 19 décembre 2014 devant le Conseil National des Professions du Spectacle. Elle a notamment déclaré, et l’on ne peut que s’en féliciter « Je me battrai aux côtés des artistes, des créateurs et des professionnels de la culture pour affirmer la place de la culture au cœur de notre ambition politique. Notre modèle s’est bâti sur le soutien aux artistes et sur les principes de démocratisation culturelle pour que cette création soit accessible au plus grand nombre. Cette politique s’est construite sur une volonté de l’Etat, partagée et amplifiée par les collectivités elle a permis de mailler notre territoire d’établissements de création et de diffusion mais aussi de dispositifs de soutien aux compagnies et aux artistes, d’aides et de financements. C’est un investissement, un héritage, fruit de longues années d’un travail patient. J’ai dit que je le laisserai pas démanteler.… »

Arrivé à cet instant de l’intervention, une seule question se pose, qui donc veut la peau, non pas de Roger Rabbit, mais de ce modèle culturel.

La réponse ne se fait pas attendre, Madame Fleur Pellerin indique  » Alors que l’Etat a fait le choix de la culture, certaines collectivités territoriales se désengagent. Je soutiendrai avec force les nombreuses collectivités qui font le choix courageux de la culture » après avoir pris soin de préciser  « les choix budgétaires sont des choix politiques qui doivent être assumés comme tels.’

Sur ce dernier point, je ne peux qu’être en accord, les choix budgétaires sont la traduction concrète des choix politiques que nous mettons en œuvre, mais une nuance doit être apportée, si nous devons assumer nos choix budgétaires il ne nous appartient pas d’assumer ceux des autres, et notamment ceux de l’Etat.

 

Il existe deux notions scolastiques de la liberté, la liberté de spontanéité, un acte est libre si en accord avec les valeurs de son agent,  qui souligne la volonté, et la liberté d’indifférence, un acte est  libre s’il aurait pu être accompli d’une autre manière,  qui souligne l’aptitude. En, l’occurrence, je crains que pour beaucoup de collectivités locales la possibilité d’agir d’une autre manière est fortement contrainte par la décision du gouvernement dont fait partie Madame Fleur Pellerin de réduire de onze milliards les dotations aux collectivité locales.

Alors, Madame la Ministre, si vous voulez pointez du doigt les collectivités dont le désengagement est le résultat d’un choix politique, commencez donc par vous battre pour rendre à ces collectivités les moyens d’agir et de choisir librement leurs politiques. Vous n’êtes pas légitime à stigmatiser l’une ou l’autre des collectivités locales quand toutes vont être amenées à prendre des décisions insupportables, le seul choix qui leur reste étant de savoir quels budgets feront l’objet de coupes claires.

Et enfin, puisque vous indiquez, Madame la Ministre, dans votre discours que « Les collectivités locales, comme l’Etat, doivent faire un important effort budgétaire » n’oubliez-pas que c’est l’Etat, et non, les collectivités locales qui est responsable de l’évolution de la dette publique. En effet, du 4ème trimestre 1995 ( trimestre de référence) au 3ème trimestre 2014 la dette de Maastricht a augmenté pour l’Etat de 231,76% et pour les collectivités locales de 60,14%.

Le précieux ridicule

Jean-Jacques Aillagon vient d’accorder une longue interview au journal le Monde titrée « La question de la suppression du ministère de la culture peut se poser ».

D’autres seront plus qualifiés que moi pour juger de ses propositions.

Mais sur la forme il est quand même surprenant de constater à quel point le fait de quitter un poste tel qu’un ministère peut donner des idées sur la manière de le tenir. Et ce n’est pas là une exception culturelle française…

Jean-Jacques Aillagon constate que  » En vingt ans, les collectivités locales sont devenues des acteurs centraux de la vie culturelle. », les élus locaux et les acteurs culturels locaux s’en étaient aperçus depuis bien longtemps et d’ajouter  » Les attentes qu’il (le ministère de la culture)suscite augmentent plus vite que les dotations budgétaires », là aussi ce n’est pas une grande découverte et que ne l’a-t-il déclaré quand il était ministre et que n’a-t-il demandé des hausses de crédit substantielles ? D’autant plus que plus loin il déclare  » Maintenons ce ministère, donnons-lui plus de moyens ».

Mais Jean-Jacques Aillagon a su garder le meilleur pour la fin. A la question Pourquoi ne pas l’avoir fait quand vous étiez ministre ? la réponse est « J’ai esquissé ce mouvement. Il m’aurait fallu du temps. Mais il y a eu le conflit des intermittents, qui a provoqué mon départ. Un ministère ne se réforme pas seul. C’est l’affaire de tout un gouvernement. A la culture, la difficulté c’est que le ministre a beaucoup de mal à prendre ses distances par rapport aux populations qu’il administre. Tout ministre veut être accepté par la famille culturelle. Il veut même en faire partie. Aucun ne veut de disputes familiales ».

Les formules sont joliment choisies, pas de disputes familiales mais un conflit avec les intermittents, ne seraient ils donc pas de la famille ? Cela justifierait alors sans aucun doute cette volonté de les exclure d’un système conçu pour eux.

Et si conflit il y a, qui a déclenché le conflit ? Lorsque Jean-Jacques Aillagon s’interroge sur le rôle que pourrait avoir un ministère de la culture, n’a-t-il pas là un élément de réponse. Ce n’était pas un conflit, c’était une question politique, pas la seule certes, mais une question cruciale pour l’avenir du spectacle vivant. Il n’a pas semblé important à monsieur Aillagon de traiter cette question alors. Et, s’il affirme être frappé aujourd’hui « que le répertoire du théâtre français soit si peu joué sur le territoire », encore quelques réformes du statut des intermittents et la question ne se posera même plus…textes français ou étrangers, classiques ou modernes…

Mais si Jean-Jacques Aillagon semble penser que les intermittents ne font pas partie de la famille, la réciproque n’est pas vrai pour tous. Je me souviens d’une fin de manifestation devant le Palais royal où j’ai entendu ce cri magnifique « Aillagon vient avec nous, toi aussi t’es un clown »

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