« Il vient une heure où protester ne suffit plus, après la philosophie, il faut l’action. »
Victor Hugo, Les Misérables

« Les islamistes pullulent à Gao »

L’Humanité a publié, le 15 février, un article sur la situation à Gao, dont le titre est «  Les islamistes pullulent à Gao. » Le choix du verbe pulluler est pour le moins surprenant. D’une part,  parce que la définition qu’en donne le dictionnaire de l’Académie française est sans équivoque : pulluler signifie « se multiplier en abondance et en peu de temps ; être en très grand nombre, grouiller (généralement en mauvaise part). » Et les exemples parlent d’eux même : « Le chiendent pullule. Les moustiques ont pullulé cette année. » D’autre part, parce qu’il renvoie à des slogans haineux qui visaient les juifs.

Le choix de ce vocabulaire participe à une déshumanisation, à la catégorisation en sous-espèce. Sous-espèce à la fois au sens biologique : « niveau intermédiaire immédiatement inférieur à l’espèce » et sous espèce au sens d’espèce inférieure. Et le fait que ces individus ne soient plus membres de l’espèce humaine justifie alors un traitement différent de celui accordé aux êtres humains, et Guantánamo se profile à l’horizon.

Le combat pour les droits humains ne souffre aucune exception quel que soit l’être humain concerné et quels que soient ses actes, il conserve son humanité de manière imprescriptible. Il est regrettable que l’Humanité, qui sous-titre  » le journal fondé par Jean Jaurès » s’autorise de tels dérapages.

Suspension du droit ?

Ce matin 21 mars Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a fait une déclaration à la presse. Il a notamment indiqué que « le frère du suspect, peut-être, Monsieur le Procureur, le coupable présumé peut-on dire. Le frère du coupable présumé a été également interpellé. »

Or la présomption d’innocence est en France un principe constitutionnel. En effet le préambule de la constitution précise que « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789. », et l’article 9 prévoit que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi. »

Cette présomption est aussi formulée l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 de l’ONU, et l’article 9-1 du Code civil rappelle que « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. »

Ce dérapage verbal est d’autant plus surprenant que le Ministre sollicite l’aval d’un magistrat. Doit-on en déduire que le droit peut être, comme la campagne électorale, « suspendu » ?

 

Contribuer aux charges publiques…

Sur Balle de break, un blog du journal Le Monde, a été publiée une interview en deux parties d’Arnaud Di Pasquale,  responsable du haut niveau masculin à la FFT. La seconde partie s’intitule  » Partir vivre en Suisse n’est pas une insulte faite à la France. »Les arguments avancés sont fort intéressants. « Les gens qui critiquent ce choix ne sont pas dans la peau des joueurs. Ils ne savent pas ce que c’est de se retrouver à 19 ou 20 ans, d’entendre que la carrière d’un sportif c’est un sprint et qu’en allant vivre en Suisse ou en Floride, ils peuvent payer 500.000 euros ou 1.000.000 d’euros de moins qu’en France. Le gain est énorme. Leur carrière peut s’arrêter très rapidement, ils n’ont pas forcément fait d’études et n’ont pas de reconversion certaine. Il faut une ou deux secondes se mettre à leur place. Le fait de partir, ce n’est pas une insulte faite à la France. »

En comparant les économies potentielles des joueurs avec une durée de vie professionnelle standard, on constate que l’économie annuelle  représente entre 12.000 et 24.000 euros par an. Alors sans aucun doute de nombreuses personnes qui ne gagneront jamais une telle somme ont quelques difficultés à se mettre à la place de ces joueurs.

Quant à l’argument de l’absence d’études et de la difficulté à se reconvertir, n’est ce pas justement là le rôle que devrait remplir la fédération française de tennis, en formant non pas simplement des joueurs, mais des joueurs qui soient avant tout des citoyens

Enfin Arnaud Di Pasquale devrait se rappeler que les deux grands financeurs de la pratique sportive en France sont les familles et les collectivités locales qui construisent et entretiennent les équipements sportifs et participent au financement des associations.

Et il ne s’agit pas d’insulte mais simplement d’un minimum de décence venant d’un responsable d’une fédération française.

Peut-être Arnaud Di Pasquale devrait-il relire, ou lire tout simplement, la constitution de 1793 et son article 101 « Nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de contribuer aux charges publiques. »

FFF xénophobe !

Le 12 juillet 1998, des millions de personnes fêtent la première victoire en Coupe du monde derrière une équipe Black-Blanc-Beur. Depuis lors,,l’euphorie est retombée et les commentaires ont fusé en tout sens : de Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon, qui était encore membre du parti socialiste, qui avait déclaré que l’équipe de France lui faisait honte, « Bientôt elle comptera onze Blacks » à l’ineffable Finkielkraut pour qui une équipe « black, black, black » faisait « ricaner toute l’Europe ».

Soyez rassuré, la Fédération Française de Football, sous la présidence de Jean-Pierre Escalettes  a pris la décision lors de son assemblée fédérale du 29 mai 2010 d’imposer aux mineurs étrangers qui demandent une première licence de justifier de cinq années de présence en France. Un jeune qui arriverait en France à 12 ans aurait donc la possibilité de jouer au foot en club dès l’âge de 17 ans. Selon la Fédération, cette décision serait une transposition  d’une décision prise par l’UEFA présidée par Michel Platini. L’UEFA affiche ses « valeurs » sur son site, elles sont bien sur onze, communication oblige, et la sixième est « protection des jeunes et formation ». C’est officiellement pour protéger les jeunes footballeurs des trafics de joueurs que cette réglementation est mise en œuvre. L’on peut douter, vu les sommes en jeu, de son efficacité face à cette traite d’êtres humains, mais l’on est déjà certain qu’elle va rendre impossible la pratique sportive de leur choix à de nombreux enfants.

Cette situation est intolérable, dans un contexte de xénophobie exacerbée, une fédération sportive, aussi puissante qu’elle soit, ne peut s’arroger le droit de décider qui de nos enfants jouera ou ne jouera pas.

Dirigeants sportifs et élus locaux, il nous appartient de veiller à ce qu’aucun enfant ne soit rejeté en raison de sa nationalité.

Génie du christianisme/ génie de la finance

Chateaubriand dans le Génie du christianisme s’interrogeait sur le remords et la conscience: « O conscience ! ne serais-tu qu’un fantôme de l’imagination, ou la peur des châtiments des hommes ? je m’interroge ; je me fais cette question : « Si tu pouvais par un seul désir, tuer un homme à la Chine et hériter de sa fortune en Europe, avec la conviction surnaturelle qu’on n’en saurait jamais rien, consentirais-tu à former ce désir ? ».

Cette interrogation est assez connue, et a été souvent commentée et même attribuée à Rousseau, mais qu’importe son origine. Cette question n’était qu’un problème théorique.

Mais grâce au génie, non du christianisme cette fois, mais de la finance la question est devenue une question pratique, même si elle est un petit peu modifiée dans ses termes. « Si tu pouvais par un seul désir, exploiter des enfants, ruiner des populations entières dans les pays en voie de développement, pousser au suicide des salariés, précariser des millions de personnes et obtenir une rentabilité maximale de tes placements financiers, avec la conviction  qu’on ne rapprocherait jamais les deux bouts de la chaine, consentirais-tu à former ce désir ? ».

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