« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. »
Montesquieu

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A propos de la réserve parlementaire

Les deux délibérations que l’on nous demande d’approuver visent d’une part à autoriser des travaux de reprise des boiseries extérieurs de la médiathèque Louis Pergaud pour l’une et de réhabilitation de la cour de l’école maternelle Jules Ferry/Signac pour l’autre et d’autre part à solliciter une subvention sur la réserve parlementaire du Sénateur-Maire Luc Cavournas pour la première et de la sénatrice Esther Benbassa pour la seconde.

Je ne conteste nullement la nécessité, voire l’urgence de réaliser ces travaux et je ne peux que me réjouir, vu l’état de nos finances après la ponction indue réaliser par l’État, que l’on puisse obtenir un financement.

Mais, se réjouir de ce financement ne doit pas nous en faire oublier l’origine.

La réserve parlementaire est un dispositif atypique, d’un montant pour 2015 de 81,25 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et de 52,18 millions d’euros pour le Sénat. Chaque parlementaire dispose d’une enveloppe qu’il affecte librement, 130 000 euros pour les député-es et 153 000 euros pour les sénateurs-trices.

Ce système est resté longtemps excessivement opaque et il faut noter que Claude Bartolone a souhaité mettre fin à l’opacité totale de ce dispositif : l’Assemblée nationale a alors mis en ligne en 2014 un tableau détaillant l’utilisation de ces fonds pour 2013. La loi relative à la transparence de la vie publique a étendu cette disposition au Sénat qui publie aussi ces informations.

Si ce dispositif est formellement conforme à la constitution du 4 octobre 1958, il semble fort éloigné de ses principes fondamentaux. En effet, selon l’article 24 « Le Parlement vote la loi. » C’est certes bien ainsi qu’est votée l’affectation des réserves parlementaires, mais ces textes ne sont que la compilation des propositions individuelles des parlementaires et non comme les autres projets et propositions de loi, le résultat d’un travail collectif.

Ce dispositif ne serait-il pas le reliquat d’un clientélisme parlementaire ?

 

De plus les montants attribués sont faibles : la moitié des attributions est inférieure à 3 000 euros pour l’Assemblée nationale et à 5 000 euros pour le Sénat. Certes, ces montants peuvent aider les collectivités locales à financer certaines opérations, mais attribuer une partie, de ces 133, 43 millions d’euros aux collectivités locales auxquelles on a retiré quelques milliards de recettes, le compte n’y est pas et c’est se donner ainsi bonne conscience à bon compte.

Sortir d’une manifestation avec ou sans tee-shirt ?

J’ai manifesté, comme des dizaines de milliers de personnes, au milieu d’une impressionnante présence policière, le 28 juin entre Bastille et place d’Italie. Les contrôles à l’entrée étaient prévus et annoncés. Mais, en plein débat que la question des contrôles au faciès par l’Assemblée nationale ; les contrôles à l’entrée étaient ciblés : j’ai donc pu rentrer sans aucune difficulté, sans palpation, mon keffieh porté ostensiblement.

A la fin de la manifestation, j’ai voulu quitter la place d’Italie par l’avenue des Gobelins. L’avenue était totalement barrée, avec une espèce de check-point pour permettre la sortie à droite. Visiblement les forces de l’ordre refusaient que des manifestant-es sortent avec des autocollants. Je me suis donc présenté dans la même tenue qu’à l’entrée. La réponse du fonctionnaire de police fut  » Non, pas vous. » J’ai donc demandé quelques explications. Il m’a répondu que je devais ôter mes badges et ça, désignant mon keffieh qu’il a alors soulevé. Constant que mon tee-shirt portait des inscriptions, m’a également demandé d’ôter le tee-shirt. S’en est suivi un échange passionnant à base de « Je ne vais pas quitter mon tee-shirt, je n’ai rien dessous ! » et  » Quitter votre tee-shirt ! » Il s’est finalement lassé avant moi et m’a laissé partir. J’ai pu alors trois mètres plus loin remettre mon keffieh et mes badges, le premier représentant un goéland enmazouté avec la phrase « Est-ce que moi, je viens chier dans vos baignoires ? » et le second étant le badge du Conseil Permanent des écrivains et la SGDL « Pas d’auteurs pas de lecteurs. »

 

Je m’interroge sur la légalité de telles pratiques et sur les bases juridiques qui les autorisent, sauf à nous resservir encore une fois l’état d’urgence. Mais l’état d’urgence ne doit pas nous faire oublier l’état de droit. Je pense avoir le droit de choisir le tee-shirt que je porte. Mais peut-être dois-je préciser que le texte figurant sur le tee-shirt était l’article 35 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen  « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.  » Ce lecteur occasionnel se serait-il donc senti concerné par ce texte ?

Casseurs ou manifestants ?

Depuis le 9 mars, après chaque manifestation contre la loi Travail, les commentaires, déclarations et articles condamnant les casseurs se sont succédé. Jusqu’ici, rien d’étonnant, c’en est même devenu une tradition, mais alors que les Bonnets rouges, par exemple, qui se « contentaient », en 2013, de démonter les portiques de détection pour l’écotaxe, n’ont jamais été évoqués, dans les mouvements sociaux, les casseurs sont systématiquement pointés du doigt.

Les casseurs, définis par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales comme partisans de la violence comme moyen d’action contre un régime politique, ont fait leur grande apparition dans le champ politique français avec la loi no 70-480 du 8 juin 1970 dite loi anti-casseurs. Cette loi de circonstances, votée après mai 1968, permettait notamment de condamner une personne, en raison d’agissements commis par des tiers -y compris par des provocateurs, bien que n’ayant elle-même commis aucune violence. Abrogée en 1982, un sénateur UMP en a demandé le rétablissement en 1998.

UEFA étrangement silencieuse.

 » Il y a malheureusement des événements tragiques qui se déroulent presque quotidiennement partout dans le monde, et il serait tout simplement irréaliste de rendre hommage à toutes les victimes. Nous condamnons fermement toute sorte de violence, y compris les attaques d’Orlando, et nous exprimons notre profonde sympathie aux victimes de cette horrible tragédie et à leurs familles  » a déclaré l’UEFA : il n’y aura donc pas de minute de silence lors des trois matchs de ce jour.

Si l’on peut entendre l’argument concernant la multiplicité des événements tragiques, l’on ne peut que regretter cette déclaration qui, si elle cite la ville où a eu lieu la fusillade, ne prend même pas la peine de préciser qu’il s’agit là d’une attaque homophobe perpétrée dans une discothèque gay ; alors que la Marie de Paris arbore l’arc-en-ciel du drapeau LGBT et Anne Hidalgo a adressé « un soutien fort à tous les gays, lesbiennes bi et trans meurtris par une attaque qui vise à remettre en cause la première de leurs conquêtes : le droit de vivre en paix ».

Dans un sport régulièrement épinglé pour ses dérives homophobes, une telle mesure aurait eu un poids symbolique important. Faut-il rappeler à l’UEFA les nombreuses initiatives prises dans de très nombreux sports, y compris aux États-Unis, au lendemain des attentats perpétrés en France en janvier et novembre 2015. Certains morts seraient-ils pour les instances dirigeantes de l’UEFA moins dignes de respect que d’autres ?

Droit de manifester vs état d’urgence

L’information circule depuis hier, plusieurs personnes ont reçu une interdiction administrative de manifester.

Ce document indique « considérant que, en raison de la prégnance de la menace terroriste dont l’extrême gravité et l’importance des risques ont conduit le parlement à prolonger pour une seconde fois le régime de l’état d’urgence pour une dure de trois moins à compter du 26 février 2016, les forces de l’ordre demeurent fortement mobilisées pour assurer, dans ces circonstances, la sécurité des personnes et des biens.

Considérant que M. X a été remarqué, à de nombreuses reprises, lors de manifestations contre, notamment, les violences policières et le projet de réforme du Code du travail ; que ces manifestations ont dégénéré en troubles graves à l’ordre public et notamment des affrontements violents avec les forces de l’ordre ; que des groupes d’individus masqués et portant des casques sont systématiquement à l’origine de ces désordres ; qu’il y a, dès lors, tout lieu de penser que la présence de M. X aux rassemblements organisés contre le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs vise à participer à des actions violentes ; que, compte tenu de ces éléments, il y a lieu d’interdire sa présence à la manifestation organisée le mardi 17 mai 2016 conjointement par l’Union Régionale Île-de-France CGT, FO, SOLIDAIRES, l’UNEF, l’UNL et la FIDL ainsi que place de la République. »

L’on ne peut que s’étonner de l’utilisation de l’état d’urgence -qui aurait dû être un état d’exception mais qui semble, tout comme le plan Vigipirate avant lui, devenir l’état normal- pour réprimer un mouvement social et limiter le droit de manifester alors que, comme le document préfectoral le précise, l’objet de l’état d’urgence est de lutter contre la menace terroriste. Le lien entre les deux éléments est pour le moins difficile à établir, sauf, apparemment, pour le Préfet de Police. De plus, l’appréciation de ce même Préfet sur la loi travail assez inattendue et semble en décalage par rapport au devoir de réserve d’un fonctionnaire, aussi haut placé soit-il.

L’état d’urgence avait déjà été utilisé contre la COP 21, il serait temps que le gouvernement cesse de détourner tous les moyens juridiques pour tenter de faire passer en force un texte dont il est clair que personne, sauf le Medef, ne veut.

La démocratie n’est pas négociable, le Comité de l’ONU contre la torture vient de le rappeler en faisant part de sa préoccupation face aux violences policières en France. « Le Comité est préoccupé par les allégations d’usage excessif de la force par les fonctionnaires de polices et de gendarmerie ayant, dans certains cas, entraîné des blessures graves ou des décès. »

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